Immigration – Front Populaire

Un article de synthèse sur la difficulté que nous avons à aborder ce sujet


La clandestinité du regard critique sur l’immigration en France

OPINION. Le Youtubeur et écrivain Majid Oukacha nous livre un point de vue à la fois nuancé et sans concession sur l’immigration, un sujet médiatique sensible où l’optimisme semble trop souvent faire prévaloir une supériorité morale sur toute forme d’inquiétude.

NB : Il est urgent de désacraliser le sujet de l’immigration. Retrouvez nos analyses, nos diagnostics et nos prescriptions dans notre nouveau numéro Front Populaire n°4 : Immigrations, éviter le naufrage.

Exprimer un constat critique sur l’immigration tout en évitant d’être accusé de répandre la haine envers la différence est un exercice philosophique bien périlleux ces temps-ci. Dans une agora française où le jugement intellectuel est dorénavant sommé de se justifier sur le terrain moral de la politique, l’immigration est en effet devenue un sujet de débat qui conduit quasi-systématiquement à des conflits manichéens.

Tout en regrettant ce binarisme photogénique et vendeur dans l’espace médiatique, on peut déplorer que ces débats sur l’immigration voient de plus en plus s’opposer deux camps qui semblent irréconciliables. Non pas la droite contre la gauche, ni les « Français de souche » contre les « Français issus de l’immigration », mais plutôt une opposition entre ceux qui veulent faire taire et ceux qui veulent s’exprimer. S’exprimer face à des contradicteurs qui, dans la pleine certitude de leurs arguments d’autorité, se demandent si on a le droit ou non de dire une idée avant même de commencer par se demander si cette idée est vraie ou non.

La question sensible de l’immigration se soustraie néanmoins parfois au principe absolu de la vérité, avec lequel tout ce qui n’est pas démontrable scientifiquement demeure faux jusqu’à preuve du contraire. Certains enjeux comme la stabilité ou l’unité nationale sur un plan culturel, invoqués par nombre de Français pour expliquer leur regard sévère et sceptique sur l’immigration, n’ont ainsi pas toujours besoin de statistiques produites par la sociologie d’État pour exister, s’ébruiter et convaincre.

Selon que l’on voie le verre à moitié plein ou à moitié vidé, des principes de précautions vis-à-vis de la nature ou de la quantité de l’immigration en France aujourd’hui peuvent apparaître constructifs pour les uns ou offensants pour d’autres. C’est pourquoi défendre en priorité les intérêts des citoyens Français, la base du contrat social dans un monde dangereux où la paix avec les autres pays est un projet perpétuellement inachevé : certains appellent cela de la xénophobie ! Il est cependant possible de soulever de nombreux constats critiques sur l’immigration en général (ou une forme d’immigration en particulier) sans devoir s’inscrire de façon automatique dans la logique dualiste et partisane des « pour » opposés aux « contre ».

Dans un monde où les flux humains sont constants entre des nations majoritairement ouvertes et interdépendantes, des millions de gens venant de pays aux PIB « westernunionisés » rêvent de l’exil. Pour fuir le chômage ou la faim, pour jouir de davantage de libertés, ou encore pour offrir une vie meilleure à sa famille, cet exode migratoire est souvent présenté par les promoteurs du mondialisme politico-économique comme un processus aussi inhérent à la vie des sociétés humaines qu’inévitable face aux déséquilibres disproportionnés engendrés par le capitalisme transnational.

Le rapport de force par le nombre ne semble plus faire la loi dans notre monde postindustriel et technologique où les armes des militaires choisissent toujours le camp du vainqueur. Même en cas de révolution. Surtout en cas de révolution. L’ex-omni-Président tunisien Ben Ali l’a compris à ses dépends. Le temps de l’équilibre dans la terreur entre des superpuissances qui quadrillent le monde avec leurs réseaux d’influence concurrentiels a de toute façon succédé au temps beaucoup plus rare et mythifié des révolutions. Que ces révolutions populaires, soudaines et jusqu’au-boutistes se fassent par la désobéissance civique ou les armes à la main. Dans le cercle vicieux du mal-développement, tant de pays pauvres se vident ainsi de jeunesses, d’intellectuels, de mains-d’œuvre et de dissidences politiques, parce qu’un pays fui est un pays à fuir.

J’ai tendance à croire que la meilleure chose qui pourrait arriver aux pays d’exil humanitaire, c’est que leurs exilés n’aient plus nulle part où fuir ! Ces populations seraient alors obligées de prendre en main et de solutionner chez elles tout ce que l’ingérence diplomatique ou coloniale ne saurait accomplir à leur place, auto-détermination des peuples oblige. Un sort qui concerne sans doute tout autant les pays d’accueil pris dans un cycle infernal, car plus un pays accepte de migrants et plus des aspirants à la migration y font route afin de solliciter sa générosité. Et si les véritables alliés idéologiques et politiques des pires dictateurs d’Afrique et du Moyen-Orient étaient en fait tous ces militants internationalistes du Monde Occidental qui encouragent le « Tiers-Monde » à fuir les problèmes au lieu de les résoudre directement sur place ? De surcroît, la superficie totale de l’Afrique et du Moyen-Orient réunis est d’environ 37 millions de kilomètres carrés, tandis que l’Union Européenne a une superficie totale d’à peine un peu plus de 4 millions de kilomètres carrés. Est-ce vraiment le destin de notre espace civilisationnel européen de désengorger de façon régulière et soutenue la démographique explosive des peuples de ces continents outre-méditerranéens qui disposent de 9 à 10 fois plus de surfaces territoriales que les nôtres ?

La France surpeuplée et en crise d’aujourd’hui n’est plus la France métropolitaine du passé qui durant les Trente Glorieuses avait accueilli, entre autres, au sein de proportions raisonnables, mes grands-parents. Au niveau d’endettement totalement irresponsable sous lequel croule notre pays actuellement, l’accueil d’une immigration humanitaire ou économique toujours plus massive sur notre territoire, avec le puits sans fond de la pauvreté sans frontières, se fait forcément au détriment des plus pauvres parmi nos propres concitoyens. Je serai d’accord pour commencer à envisager que la France accepte d’accueillir durablement un seul naufragé de la misère du monde quand, au moins sur le principe autant arithmétique que moral, nos pouvoirs publics auront réussi l’exploit de trouver un chez soi décent au dernier de nos centaines de milliers de mal-logés ou sans-logis. Ce point de vue n’est pas celui de la xénophobie ou de l’insensibilité à l’égard de la souffrance des autres. À vouloir aider tout le monde, la France finira par ne plus pouvoir aider personne. C’est du bon sens de commencer par aider les siens avant les autres au lieu de vouloir aider les autres tandis qu’on n’est même pas déjà capable d’aider les siens. Cette immigration sans doute beaucoup moins importante, mieux choisie mais surtout validée et pas subie par le peuple d’accueil, une immigration plus restreinte, maîtrisée et assimilable à laquelle j’appelle de mes vœux, dans une donne qui a changé, parce que la donne a changé, n’est aucunement motivée par une forme d’extrémisme intellectuel ou politique. C’est la modération même d’avoir la prudence de ne pas surestimer ses moyens et davantage encore de ne pas vivre au-dessus d’eux.

L’« immigration » au singulier est en outre une terminologie à appréhender avec des nuances tant elle peut cacher de multiples réalités contradictoires. L’immigration décidée dans une démocratie où les électeurs se contentent de désigner des représentants mais ne se prononcent jamais sur le contenu des lois, ce n’est pas l’immigration consentie ou tempérée par une nation de citoyens lors d’un référendum populaire. L’immigration dont personne ne se pose pas la question de son niveau suffisant en langue française ou en républicanisme adoubé, tant elle se fiche de demander réparation pour Diên Biên Phu et tant ses enfants sont discrets dans l’espace public, ce n’est pas l’immigration qui demande constamment à la laïcité française de s’adapter à son dieu suprémaciste de la foi et qui surpeuple les prisons. Au-delà de la seule question des compétences professionnelles et des diplômes, l’aspect qualitatif de l’immigration sur un plan idéologique est aussi un impensé politique qui m’interpelle. Or les mœurs culturelles de l’immigration semblent tout autant être ignorées par les partis les plus libéraux économiquement, qui ne résument l’immigration qu’à un coût budgétaire, que par les partis internationalistes et communistes, pour qui tout migrant qui s’exile de son pays est automatiquement une victime inoffensive.

Tout le monde n’est pas aussi bien intentionné que vous, messieurs et mesdames du camp du Bien ! Et votre amour automatique, inconditionnel et définitif pour la différence, pour toute différence, une négation de la différence donc, est en réalité une fable matérialiste qui vous dispense de voir les ex-colonies du Monde Occidental autrement que comme des estomacs qui consomment et des bras qui travaillent. Comment pouvez-vous imaginer qu’accueillir durablement en France des millions d’étrangers éduquant leurs enfants dans la bigoterie, la mécréanophobie et la fatalité religieuse n’aurait aucun impact sur le niveau scolaire moyen ou la communautarisation de notre société ? Pensez-vous sincèrement qu’une immigration venant de pays où la culture dominante et sacrée est misogyne n’a aucun impact sur la sécurité des femmes ou la mixité sexuelle dans nos rues ? Vous les apôtres de la véritable beauté intérieure et pourfendeurs de la loi du fric au-dessus des valeurs spirituelles, pourquoi êtes-vous soudainement les derniers à pouvoir expliquer les comportements sociaux des plus pauvres autrement que par le contenu limité des leurs portefeuilles ? Vous qui n’aimez pas que l’on assigne les plus pauvres à leurs conditions de vie ou que l’on les stigmatise de ce fait dans l’opinion publique, pourquoi êtes-vous les premiers à soutenir que la criminalité chez certaines populations d’origine étrangère viendrait de la pauvreté financière alors même que la majorité des plus pauvres vivant de notre pays est constituée de gens honnêtes vis-à-vis de la loi ? Êtes-vous donc incapables de comprendre qu’au bout de votre logique, la pauvreté économique justifie statistiquement plus souvent le bon comportement civique que la criminalité ?